«Nous nous levons et regardons le ciel. Nous entendons les rires inélégants. Qu’y pouvons-nous ? La nuit n’est pas encore tombée. Autour de nos bras, tout est parfait […] Peu de bruit dans la ville. Où est donc Henri Michaux ce soir ? Je ne doute pas qu’il passe une excellente soirée.»
«Ce foutu interne qui fournissait la came à Charlie Parker a disparu avec la liste de mes médicaments. Être relâché dans la vie m’inquiète. Il revient enfin avec ses chaussures pointues, me prescrit une prise de sang dans une semaine puis dans un mois. On a tripatouillé mon corps mais c’est l’esprit qui déraille le plus. »
« Mes yeux battent comme des tambours de guerre. Mes yeux sont incrustés d’étoiles et mon cerveau, pareil à un cercueil transparent, se déplace sur le tranchant d’un couteau. J’ai enterré mes veines. J’ai couru à peine plus vite que la mort. »
« L’écriture c’est la mémoire. Nous écrivons autour d’une mutilation et du soleil. »
Pour le lancement du livre d’Ivan de Monbrison, La Reine morte, le Cabaret Hexen s’est offert au public des Galopins, place de Clichy, dans la plus pure démesure dadaïste.
L’auteur survolté, tantôt éphèbe perruqué, tantôt moine bonze masochiste, nous a livré une performance viscérale de son œuvre. Il n’a pas hésité pour cela à se faire piétiner au sens propre du terme par Agnès Henneguy, partenaire consentante de la transe poétique de son partenaire de jeu. Tout cela sous l’œil mi-sévère, mi-complice d’Etienne Cottereau, metteur en scène génial de Guérasim Luca.
Pour saisir l’essence musicale de ce moment déraisonnable, il nous fallait un sage… Après avoir capturé la poésie de Petit-être, Dominique Bertrand, penseur multiple, musicologue, poète, sorcier, philosophe et accessoirement virtuose de la flute shakuhachi, a saisi comme jamais la frénésie incantatoire des mots de Valéry Meynadier, récemment éditée par les éditions Al Manar pour La morsure de l’ange, dans la collection Erotica.
En ouverture de cette sarabande infernale, François Pain-Douzenel, metteur en scène et co-fondateur de la compagnie « Les Pirates des Songes« , nous a véritablement lancé un sort sous la forme d’une danse digne d’une cérémonie vaudou. Et, en guise de conclusion, il nous a invité, sur les traces de Charles Bukowski, à boire un « Dernier verre« … Nous ne sommes pas fait prier.
Le tout sur des thèmes musicaux de Georges Delerue, de Chet Baker et Marilyn Manson.
« Regardez ce bâtiment là-bas. Autrefois c’était l’université. On l’a rebaptisé -Institut de l’oubli. C’est là que jeunes, adultes et vieillards se rendent pour suivre des cours du soir, ils s’emploient à désapprendre, à se détromper. Ici, les gens poursuivent leurs désuétudes. Les désétudiants reçoivent un diplôme quand ils parviennent à se délester de l’essentiel. Nous avons des docteurs en oubli comme vous en avez en sciences. Voilà ce que vous aurez à faire si vous tenez à rester ici, devenir un habitant des limbes ! »
Éric Faye – Je suis le gardien du phare (et autres récits fantastiques) / Seuil 2000.
— Alors ne me refusez pas de me dire l’objet, je vous en prie, de votre fièvre, de votre regard sur moi, la raison, de me la dire ; et s’il s’agit de ne point blesser votre dignité, eh bien, dites là comme on la dit à un arbre, ou face au mur d’une prison, ou dans la solitude d’un champ de coton dans lequel on se promène, nu, la nuit ; de me la dire sans même me regarder.
Bernard-Marie Koltès – Dans la solitude des champs de coton
Froncés de nuit les lèvres des fleurs, croisés et enchevêtrés les fûts des grands pains, grisaillée la mousse, ébranlée la pierre, réveillés pour le vol glacial :
c’est la contrée où font une pause ceux que nous avons rattrapés :
ils ne nommeront pas l’heure, ne compterons pas les flocons, ne suivront pas les eaux jusqu’au barrage.
Ils seront là dans le monde, à part, chacun seul auprès de sa nuit, chacun seul auprès de sa mort, hargneux, nu-tête, givré de proche et de lointain
Paul Celan – Pavots et Mémoire Photographie : « The tunnel » – @alexalloulphoto
Ce dimanche 25 juillet à partir de 18h30 au bistro Les Galopins, 66, rue de Clichy, 75009, Paris… Métro Place de Clichy. Il y aura des animaux sauvages en liberté, un danseur-sorcier, des lectures fougueuses, des musiciens électriques et lunaires, du cinéma sur grand écran… On vous attend avec impatience pour cette folle sarabande !
La moitié de mort allaitée avec notre vie, était là tout autour de nous vraie d’images de cendres —
nous aussi nous buvions encore, entrecroisés d’âme, deux dagues, cousus à des pierres de ciel, né de sang de mot dans le lit de nuit,
nous avons grandi et grandi de plus en plus l’un au travers de l’autre, il n’y avait plus de nom pour ce qui nous poussait (l’une des trente et combien était-elle, mon ombres vivante, qui grimpait l’escalier de délire jusqu’à toi ?),
haute tour l’À-moitié s’allait construire dans le vers où, Hradschin* de pur Non-de faiseur d’or un hébreu d’os, moulu en sperme, s’écoulait dans le sablier que nous traversions à la nage, deux rêves maintenant, sonnant contre le temps, sur les places.
*Le Hradschin est le grand château de Prague.
Paul Celan – Renverse du souffle Tableau : œuvre d’Ivan de Monbrison
« Je me souviens de toi, quand, à l’aide d’un herbier, tu composes les feuilles de ton art, un recueil d’images sensitives. La tentation de souffler sur un pissenlit me prend. Car, dans ton dictionnaire botanique, je découvre des définitions que je ne connais pas. Leur lumière me parvient, à travers les voltiges d’akènes à la délicatesse florale. »